Comment l’environnement hydrothermal de la Terre Primitive a pu influencer le choix du sucre constitutif de l’ADN et de l’ARN

© Francesco Piazza

Pourquoi le furanose est-il le seul sucre que l’on retrouve dans la composition de l’ADN et l’ARN alors que cette forme de sucre n’est pas la plus stable, donc pas la plus abondante, dans les conditions de température et de pression que nous connaissons actuellement ? Ce sont les sources hydrothermales, omniprésentes à la surface de la Terre primitive, et leur influence thermique complexe, qui pourraient être à l’origine de cette sélectivité. Cette étude menée par les scientifiques du Centre de biophysique moléculaire, qui fait l’objet d’un article dans la revue Nature Communications, devrait permettre de mieux comprendre pourquoi et comment les molécules s’assemblent pour donner la vie dans un contexte géologique primitif.

Référence

Avinash Vicholous Dass, Thomas Georgelin, Frances Westall, Frédéric Foucher, Paolo De Los Rios, Daniel Maria Busiello, Shiling Liand & Francesco Piazza
Equilibrium and non-equilibrium furanose selection in the ribose isomerisation network

Nature Communications, 12 2749 (2021) https://www.nature.com/articles/s41467-021-22818-5




Traquer les premières traces de vie terrestres

Démontrer l'origine biologique de ces reliques fossiles est un défi en raison de leur taille - minuscule -, de leur simplicité et de leur âge, pouvant atteindre plus de 3 milliards d'années. Entre analyses poussées, concordance des indices et controverses, les chercheurs mènent, sur le terrain comme en laboratoire, une véritable enquête sur nos origines.

Le groupe Exobiologie publie un article dans La recherche n° 564 de février-mars 2021.

Dévoiler des formes de vie vieilles d’un milliard d’années avec une vision aux rayons X

Une équipe internationale de scientifiques du Brésil, de France et de Suisse, avec le soutien financier de l'Institut Serrapilheira et de Fapesp, a obtenu les observations 3D les plus détaillées jamais obtenues de traces de vie très anciennes sur Terre. Les microfossiles étudiés, de la formation Gunflint, au Canada, ont environ 1,9 milliard d'années et sont les restes préservés de micro-organismes similaires aux bactéries existantes aujourd'hui, mais d'une époque où seule la vie microscopique existait sur Terre. Grâce à une méthode d'imagerie avancée basée sur la lumière synchrotron, des détails sans précédent sur la forme, la composition et la conservation de ces microfossiles ont été obtenus. De plus, dans une localité, des fossiles précédemment appelés « recouverts d'hématite » se révèlent être composés de matière organique, invisible en microscopie optique, recouverte de cristaux de maghémite d'oxyde de fer, au lieu d'hématite. Cette découverte remet en question notre compréhension de la vie passée et ouvre des perspectives passionnantes pour l'étude de fossiles encore plus anciens ou de futurs échantillons rapportés de Mars.

Maldanis, L., Hickman-Lewis, K., Verezhak, M. et al. Nanoscale 3D quantitative imaging of 1.88 Ga Gunflint microfossils reveals novel insights into taphonomic and biogenic characters. Scientific Reports 10, 8163 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-65176-w

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Observation 3D des microfossiles

Comprendre l’influence de la chimie de l’océan sur les premiers écosystèmes terrestres en étudiant les métallomes, ces éléments métalliques nécessaires au vivant.

Etudier les premières traces de vie est particulièrement délicat. Beaucoup de travaux se limitent à des approches basse résolution ou sont centrés autour d’une unique technique.

Nous avons initié une nouvelle approche pour étudier cette vie ancienne : utiliser la distribution des éléments traces métalliques et de la matière carbonée. Pour ce faire, nous avons utilisé plusieurs méthodes : la microsonde nucléaire PIXE (Particle-Induced X-ray Emission Spectroscopy en anglais), l’analyse géochimique isotopique du carbone et la microscopie électronique. Ceci nous a permis de découvrir des signatures du vivant sous forme d’éléments traces dans des roches d’Afrique du Sud âgées de 3,3 milliards d’années. Les enrichissements en métaux observés reflètent l’habitat de cette vie primitive qui était alors fortement influencé par l’activité hydrothermale. Ces signatures confortent ainsi l’hypothèse de longue date selon laquelle la dépendance du vivant aux éléments traces est directement liée à la concentration de ces éléments dans l’environnement hydrothermal riche en métaux où la vie se développe.

Cette étude s’est appuyée sur le concept de métallome qui correspond à l’ensemble des espèces inorganiques (métaux et métalloïdes) présents dans une cellule. En effet, bien que le génome et le protéome ne survivent pas à la fossilisation sur plusieurs milliards d’années, il était probable que la concentration en métaux dans la matière carbonée soit préservée. Nos analyses montrent en effet que c’est le cas dans de nombreuses microstructures riches en carbone observés dans les roches de Josefsdal en Afrique du Sud.

Nous avons ainsi trouvé qu’une gamme d’éléments cruciaux pour la vie anaérobie, tels que Fe, V, Ni, As et Co, étaient plus concentrés dans la matière carbonée caractérisée par des signatures isotopiques de carbone négatives, c’est-à-dire en accord avec une origine biologique. Mo et Zn, des contributions récentes au métallome, étaient absents. Nous proposons que, malgré l’absence de préservation cellulaire, la signature observée de l’enrichissement en métaux dans la matière organique démontre son origine biologique. De plus, il est possible de reconstruire des métabolismes à partir de ces « paléo-métallomes » fossilisés. En effet, la présence de Fe, V, Ni et Co suggère des consortiums d’organismes lithotrophiques ou organotrophiques utilisant le cycle du méthane ou de l’azote.

La composition de ce « paléo-métallome » pourrait permettre de comprendre les réseaux métaboliques des plus anciens écosystèmes terrestres et pourrait potentiellement servir de biosignatures lors de l’analyse de la matière organique à la surface de Mars. Cependant, la microscopie haute-résolution reste indispensable pour écarter la possibilité que de tels enrichissements soient simplement la signature élémentaire de micro-minéraux. Cette étude met également en lumière l’importance de l’approche multi-techniques pour l’étude des plus anciennes traces de vie.

L’article “Metallomics in deep time and the influence of ocean chemistry on the metabolic landscapes of Earth’s earliest ecosystems” est paru le 18 mars 2020 dans la revue Scientific Reports.

Contacts: keyron.hickman-lewis@cnrs.fr; frances.westall@cnrs.fr