Invité lors du dernier colloque de l’ADOC dédié aux « Sciences de l’environnement », Jean-Marc Bonmatin à présenté une partie de ses travaux en conférence d’ouverture. Spécialisé sur les neurotoxiques, ses recherches au CBM portent notamment sur le devenir des pesticides, l’exposition des abeilles, les mécanismes d’action et les effets sur les insectes utiles [1-3]. Si l’implication des insecticides néonicotinoïdes dans la disparition des abeilles et des bourdons ne fait plus de doute (Colony Collapse Disorder), l’effondrement généralisé de l’entomofaune posait également question.
En collaboration avec une trentaine de chercheurs représentant de nombreuses disciplines scientifiques sur 4 continents et 15 pays, le groupe a examiné les causes possibles de cet effondrement. La seule hypothèse argumentée concernait l’usage massif des insecticides systémiques néonicotinoïdes et fipronil. Pendant 4 ans, ce mini « GIEC de la biodiversité » a alors entrepris une évaluation mondiale des risques posés par ces insecticides, tant sur la biodiversité que sur le bon fonctionnement de l’écosystème [4].
Toute la littérature scientifique a été examinée (> 1000 publications) pour rendre compte des divers aspects de cette évaluation. Il est apparu que l’usage de ces insecticides, qui représentent un tiers du marché mondial, génère des métabolites de forte toxicité, comparable à celle des matières actives commercialisées [5]. De plus la contamination de l’environnement est généralisée (sol, eau, plantes, air) jusqu’aux pollens et aux nectars [6]. Les effets sur toutes les espèces d’invertébrés (terrestres et aquatiques) sont décrits, mettant en péril de nombreuses populations animales, notamment lors d’expositions chroniques à très faibles doses [7]. D’autres effets sur les vertébrés apparaissent, soit directement ou indirectement, particulièrement chez les poissons et les oiseaux communs [8]. Les services éco-systémiques parmi les plus menacés concernent la productivité des sols et des milieux aquatiques, la pollinisation et plus généralement notre ressource alimentaire [9]. Pourtant des alternatives existent qui, en gérant mieux l’utilisation de pesticides, permettent d’en réduire les usages prophylactiques et leurs impacts de plus de 90%, que ce soit en grandes cultures ou en agroforesterie [10].
Les chercheurs ont conclu que l’utilisation actuelle de ces pesticides n’était pas durable et qu’il était urgent de mieux évaluer les pesticides avant leur mise sur le marché, ainsi que de revoir nos modes conventionnels de production agricoles [11].
Remerciements : Conseils Généraux de la Vendée et du Loiret & Fondation Triodos (Hollande)
Références
[1] Van der Sluijs et al. “Neonicotinoids, bee disorders and the sustainability of pollinator services.” Current Opinion in Environmental Sustainability, 2013
[2] Paradis et al. “Sensitive analytical methods for 22 relevant insecticides of 3 chemical families in honey by GC-MS/MS and LC-MS/MS.” Analytical and Bioanalytical Chemistry, 2014
[3] Charpentier et al. “Lethal and sublethal effects of imidacloprid, after chronic exposure, on the insect model Drosophila melanogaster.” Environmental Science and Technology, 2014
[4] Bijleveld van Lexmond et al. “Worldwide integrated assessment on systemic pesticides; Global collapse of the entomofauna: exploring the role of systemic insecticides.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[5] Simon-Delso et al. “Systemic insecticides (neonicotinoids and fipronil): trends, uses, mode of action and metabolites.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[6] Bonmatin et al. “Environmental fate and exposure; neonicotinoid and fipronil.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[7] Pisa et al. “Effects of neonicotinoids and fipronil on non-target invertebrates.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[8] Gibbons et al. “A review of the direct and indirect effects of neonicotinoids and fipronil on vertebrate wildlife.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[9] Chagnon et al. “Risks of large-scale use of systemic insecticides to ecosystem functioning and services.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
[10] Furlan & Kreutzweiser “Alternatives to neonicotinoid insecticides for pest control: case studies in agriculture and forestry.”, Environmental Science and Pollution Research, 2015
[11] Van der Sluijs et al. “Conclusions of the Worldwide Integrated Assessment on the risks of neonicotinoids and fipronil to biodiversity and ecosystem functioning.” Environmental Science and Pollution Research, 2015
19 November 2024
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