Votre code vieux de dix ans, fonctionne-t-il encore ?

Les ordinateurs sont devenus des outils indispensables à la recherche scientifique, et les logiciels deviennent de plus en plus un médium pour exprimer des modèles et des méthodes scientifiques. Mais contrairement aux articles publiés dans les journaux scientifiques, qui sont archivés et restent accessibles pendant de nombreuses décennies, les logiciels sont fragiles et peuvent devenir inutilisables en quelques années.

Konrad Hinsen, chercheur au CBM, et Nicolas Rougier, informaticien à l'INRIA Bordeaux Sud-Ouest, ont
lancé un défi aux chercheurs : Pouvez-vous encore exécuter un code que vous avez publié il y a au moins dix ans ?

En réponse, la revue ReScience C, qu'ils ont fondée en 2015, a reçu 28 rapports de reproductibilité détaillés, qui ont été résumés par un journaliste dans Nature.

Mise en évidence de biomarqueurs permettant une discrimination entre différentes maladies neurodégénératives dans un modèle animal

La Drosophile est un modèle animal très pratique pour l'étude des mutations génétiques dans les pathologies neuronales. Sa petite taille permet d'effectuer des expériences in vivo en spectroscopie RMN Haute Résolution en Rotation à l’Angle Magique. Le Docteur Martine Decoville du CBM, des chercheurs du CEMHTI et l’ESPCI Paris ont utilisé la RMN HRMAS ¹H à résolution spatiale pour étudier in vivo la répartition de métabolites dans différentes régions anatomiques du corps de la mouche. Une étude comparative des changements métaboliques a été réalisée pour trois troubles neurodégénératifs: un modèle neuronal et un modèle glial  de la maladie de Huntington ainsi qu’un modèle d'excitotoxicité du glutamate. Ces trois pathologies sont caractérisées par des variations spécifiques et parfois anatomiquement localisées des concentrations de certains  métabolites. Dans deux cas, les modifications des spectres RMN HRMAS ¹H localisées dans les têtes des Drosophiles étaient suffisamment importantes pour permettre la création d'un modèle prédictif.

Spatially-resolved metabolic profiling of living Drosophila in neurodegenerative conditions using 1H magic angle spinning NMR - Scientific Reports (2020) https://doi.org/10.1038/s41598-020-66218-z

Expression perturbée de gènes d’autophagie dans le sang de patients atteints de la maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson est une pathologie neurodégénérative  qui se caractérise notamment par la présence d’agrégats protéiques dans les neurones des patients. Cette accumulation neurotoxique de protéines mal conformées pourrait être due à une insuffisance de leur élimination par les mécanismes autophagiques cellulaires. Le groupe d’Alain Legrand, vient de publier une étude mettant en évidence  une altération de l’expression de gènes codant pour des protéines de l’autophagie dans le sang de patients atteints de la maladie de Parkinson. Cette étude pilote réalisée en collaboration avec le service de Neurologie du Centre Hospitalier Régional d'Orléans (CHRO) et le Laboratoire d’Informatique  Fondamentale de l’Université d’Orléans (LIFO), montre que des défauts des systèmes autophagiques qui affectent le cerveau des patients peuvent  également être détectés dans les cellules du sang périphérique. Ces gènes dérégulés pourraient ainsi constituer des marqueurs diagnostiques de la maladie de Parkinson, mesurables, de façon non-invasive, après une simple prise de sang.

El Haddad S. et al, Disturbed expression of autophagy genes in blood of Parkinson's disease patients.  Gene vol. 738 (2020): 144454

Dévoiler des formes de vie vieilles d’un milliard d’années avec une vision aux rayons X

Une équipe internationale de scientifiques du Brésil, de France et de Suisse, avec le soutien financier de l'Institut Serrapilheira et de Fapesp, a obtenu les observations 3D les plus détaillées jamais obtenues de traces de vie très anciennes sur Terre. Les microfossiles étudiés, de la formation Gunflint, au Canada, ont environ 1,9 milliard d'années et sont les restes préservés de micro-organismes similaires aux bactéries existantes aujourd'hui, mais d'une époque où seule la vie microscopique existait sur Terre. Grâce à une méthode d'imagerie avancée basée sur la lumière synchrotron, des détails sans précédent sur la forme, la composition et la conservation de ces microfossiles ont été obtenus. De plus, dans une localité, des fossiles précédemment appelés « recouverts d'hématite » se révèlent être composés de matière organique, invisible en microscopie optique, recouverte de cristaux de maghémite d'oxyde de fer, au lieu d'hématite. Cette découverte remet en question notre compréhension de la vie passée et ouvre des perspectives passionnantes pour l'étude de fossiles encore plus anciens ou de futurs échantillons rapportés de Mars.

Maldanis, L., Hickman-Lewis, K., Verezhak, M. et al. Nanoscale 3D quantitative imaging of 1.88 Ga Gunflint microfossils reveals novel insights into taphonomic and biogenic characters. Scientific Reports 10, 8163 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-65176-w

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Observation 3D des microfossiles

Des réseaux organométalliques pour l’émission proche-infrarouge des lanthanides

Les chercheurs du groupe "Composés luminescents de lanthanides, spectroscopie et bioimagerie optique" et de l’université de Pittsburgh (USA) ont conçu un système chimique tridimensionnel rigide de type réseau organométallique composé de lanthanides et de molécules organiques. Une originalité majeure de ce travail est basée sur l’utilisation de la cavité de ce réseau pour générer in situ le système moléculaire sensibilisant les cations lanthanides. Cette nouvelle approche présente entre autre l’avantage de permettre le contrôle de la longueur d’excitation. Ce réseau est bien adapté aux conditions réelles de l’imagerie biomédicale optique sur cellules vivantes.

Voir l'actualité sur le site du CNRS

Ces travaux ont été publiés dans Journal of American Chemical Society

Patrick F. Muldoon, Guillaume Collet, Svetlana V Eliseeva, Tian-Yi Luo, Stephane Petoud, and Nathaniel L Rosi. Ship-in-a-bottle preparation of long wavelength molecular antennae in lanthanide metal-organic frameworks for biological imaging. J. Am. Chem. Soc. (2020) 142, 8776-8781 - doi : 10.1021/jacs.0c01426

Le manganèse : un agent double pour l’imagerie ?

Depuis 35 ans, des complexes de gadolinium (Gd3+) sont utilisés comme agents de contraste IRM avec succès ; mais récemment l’innocuité de certains agents a été remise en cause. Le remplacement du Gd3+ par le manganèse (Mn2+), un métal biocompatible, permettrait de proposer des agents plus sûrs. Pour cela, les complexes doivent être inertes, donc ne pas relâcher le Mn2+ in vivo, et posséder une molécule d’eau coordonnée au métal pour une efficacité en IRM. Or, combiner ces deux propriétés reste un défi.

L’équipe « Complexes métalliques et IRM » du CBM et des collaborateurs de l’IPHC (Strasbourg) ont synthétisé et étudié un ligand de type bispidine, une molécule cage très adaptée à la complexation du Mn2+. Ce complexe de Mn2+ a une inertie cinétique inégalée et son efficacité IRM a été validée dans des expériences précliniques.
Le 52Mn est un radionucléide émergeant pour la tomographie à émission de positrons (TEP). Le Mn2+ est ainsi l'unique métal permettant à la fois l’imagerie par IRM et TEP. Cependant, l’utilisation du 52Mn est limitée par sa faible disponibilité et un manque de ligand adéquat.
Pour la première fois en France, le 52Mn a été produit au cyclotron d’Orléans, et le 52Mn-bispidine obtenu avec succès.
Toutes ces propriétés font de la bispidine un ligand prometteur pour l’IRM et la TEP. Il assure une inertie cinétique inégalée et permet d’envisager l’utilisation du Mn2+ sans risque de toxicité.

Voir l'actualité sur le site de l'Institut de Chimie du CNRS.

Eva Toth, Daouda Ndiaye, Maryame Sy, Agnès Pallier, Sandra Même, Isidro de Silva, Sara Lacerda, Aline M. Nonat, Loïc J. Charbonnière Unprecedented kinetic inertness for a Mn2+‐bispidine chelate: a novel structural entry for Mn2+‐based imaging agents - Angewandte Chemie, 2020, https://doi.org/10.1002/anie.202003685