Comment les bactéries pathogènes s’adaptent au froid et à la disette

Le choc froid est un stress courant pour les bactéries pathogènes vivant dans des hôtes à sang chaud. Il se produit lors de leur libération brutale, de l'hôte vers l’environnement comparativement plus froid. Il est essentiel de comprendre comment les agents pathogènes font face au choc froid pour déterminer comment ils survivent sur des surfaces contaminées et se propagent à de nouveaux hôtes.

L'équipe "Remodelage de l'ARN" et des chercheurs de l'I2BC ont découvert que le facteur de terminaison de la transcription Rho est un acteur crucial de la réponse bactérienne au choc froid, remettant ainsi en cause l'idée répandue selon laquelle cette réponse est essentiellement posttranscriptionnelle. Des structures ARN sensibles à la température permettent (à 37°C) ou empêchent (à 15°C) la terminaison Rho-dépendante de la transcription, et donc l’expression, de gènes de réponse au choc froid. Pendant l'acclimatation au froid, les protéines de réponse au choc froid s'accumulent jusqu'à atteindre une concentration suffisante pour se lier aux structures ARN thermosensibles et les rendre de nouveau susceptibles à l'action de Rho, fournissant ainsi un contrôle par rétroaction négative de leur propre expression. Cette boucle de régulation s'ajoute aux mécanismes post-tanscriptionnels déjà connus pour assurer une régulation étroite et rapide de l’expression des gènes de réponse au choc froid.

Cette découverte, publiée dans la revue Molecular Cell, illustre la complexité des réponses bactériennes au stress et le potentiel de Rho comme cible thérapeutique.  Elle a été signalée par CNRS Chimie  et CNRS Biologie sur leurs sites internet.

Référence :
Rho-dependent transcriptional switches regulate the bacterial response to cold shock
Mildred Delaleau, Nara Figueroa-Bossi, Thuy Duong Do, Patricia Kerboriou, Eric Eveno, Lionello Bossi, & Marc Boudvillain*
Molecular Cell https://doi.org/10.1016/jmolcel.2024.07.034

Des agents de contraste pour combiner l’IRM de l’hydrogène et du fluor

Aujourd’hui, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est basée sur la détection des protons 1H de l'eau dans les tissus. L’IRM du fluor 19F offre des atouts complémentaires, mais son utilisation est freinée par un manque d'agents d'imagerie adaptés, solubles dans l'eau et facilement détectables. Afin d’améliorer la sensibilité de la détection des signaux IRM 19F, une équipe du CBM a utilisé des ions Mn2+ pour former des complexes avec de petites molécules fluorées. Contrairement aux nanoparticules actuellement utilisées, ces petites sondes moléculaires ont des structures chimiques bien définies et une meilleure biocompatibilité et une solubilité dans l'eau. Enfin, grâce au paramagnétisme du manganèse(II), elles génèrent un signal fort en IRM. De plus, ces agents de contraste fluorés sont également actifs en IRM du proton, permettant de superposer les images de l'IRM du proton et du fluor pour une cartographie anatomique précise.

Cette avancée publiée dans Angewandte Chemie International Edition ouvre de nouveaux horizons dans l’IRM du fluor. Elle a été signalée par CNRS Chimie sur son site internet.

Référence de l'article :
Small, Fluorinated Mn2+ Chelate as an Efficient 1H and 19F MRI Probe
Éva Tóth, Zoltán Garda, Frédéric Szeremeta, Océane Quin, Enikő Molnár, Balázs Váradi, Rudy Clémençon, Sandra Même, Chantal Pichon and Gyula Tircsó
Angewandte Chemie International Edition, 2024
DOI: 10.1002/anie.202410998

Les logiciels sont omniprésents en science, pourtant ils sont négligés

Un récent article dans la revue Nature Computational Science, co-signé par quatorze auteurs internationaux, résume les multiples facettes du logiciel dans la recherche scientifique.

A l’heure où le monde scientifique (et au-delà) parle de code, d’algorithmes, ou même d’intelligence artificielle, parler de « logiciels » semble une subtilité sémantique de plus. Pourtant, de nombreuses facettes du logiciel, par exemple les questions de licences d'utilisation ou de formats de fichiers, ne font pas partie de la définition du code ou de l'algorithme. Les auteurs, chercheurs en sciences humaines et praticiens du calcul scientifique, tirent l'attention sur les facettes du logiciel qui sont négligées autant par les chercheuses et chercheurs que par les organismes de recherche et les agences de financement : l'ingénierie, la gouvernance, les licences, la dissémination, l'infrastructure, la théorie intégrée et les utilisateurs.

La chimie computationnelle prend une place importante dans cette analyse parce qu'elle a été l'une des premières disciplines dans lesquelles la tension entre l'approche industrielle et l'approche académique de l'assurance qualité est devenue évidente. Pour les uns, un logiciel est fiable s'il a été développé par des professionnels dans les règles de l'art du génie logiciel, pendant que pour les autres, c'est la transparence et la malléabilité du code « Open Source » qui est le garant de la fiabilité.

Référence de l'article :
Hocquet, A., Wieber, F., Gramelsberger, G. et al. Software in science is ubiquitous yet overlooked. Nat Comput Sci (2024). https://doi-org.insb.bib.cnrs.fr/10.1038/s43588-024-00651-2

Les filaments protéiques dans la régulation de l’expression des gènes

Bien que chaque cellule de notre corps contienne la même information génétique, les cellules diffèrent dans la manière dont elles l'utilisent, un processus connu sous le nom "d'expression génétique". La régulation de l'expression des gènes est orchestrée par des protéines appelées facteurs de transcription, qui se lient à des séquences spécifiques de l'ADN. Les facteurs de transcription sont traditionnellement considérés comme opérant principalement sous forme de molécules uniques ou de dimères.

L'article de Mance et al. révèle que plusieurs facteurs de transcription de la famille connue sous le nom de ZBTB, présents chez l'homme et d'autres animaux, ont la capacité de former des structures filamenteuses non covalentes composées de nombreuses copies identiques de protéines disposées en chaîne. Au niveau moléculaire, de telles structures pourraient offrir des avantages significatifs pour se lier à l'ADN, qui est lui-même une molécule allongée contenant de nombreuses séquences répétées. Quelques exemples de facteurs de transcription formant des filaments avaient déjà été rapportés, mais cette étude étend ce concept à une grande famille de cette protéine aux fonctions importantes. L'étude - qui combine des analyses structurales, biophysiques et fonctionnelles réalisées in vitro et dans des cellules - a été réalisée par l'équipe "Modifications post-traductionnelles et réparation de l'ADN" du CBM et leurs collaborateurs à Orléans, Rennes et Marseille, dont l'équipe "Spectrométrie de masse fonctionnelle des assemblages moléculaires" également au CBM.

Les résultats de cette recherche, ainsi qu'une étude complémentaire réalisée par les groupes de Benjamin Ebert et Eric Fischer du Dana-Farber Cancer Institute à Harvard (publiée dans le même numéro de Molecular Cell), remettent en question la vision traditionnelle de la fonctionnalité des facteurs de transcription.

Dans les cellules, les protéines ZBTB sont régulées par un processus appelé SUMOylation, qui consiste à leur ajouter une petite étiquette appelée SUMO, ce qui modifie leur fonctionnement. Les études sur les protéines ZBTB entreprises à Orléans, au cours desquelles les structures filamenteuses ont été découvertes, font partie du projet "SUMOwriteNread" financé par l'Union européenne (subvention ERC n° 101078837). Les chercheurs étudient actuellement l'interaction entre la capacité à former des filaments et le marquage SUMO pour comprendre la réalité complexe de la régulation de l'expression des gènes.

Cette recherche a été  signalée par CNRS Chimie sur son site internet.

Dynamic BTB-domain filaments promote clustering of ZBTB proteins.
Lucija Mance, Nicolas Bigot, Edison Zhamungui Sánchez, Franck Coste, Natalia Martín-González, Siham Zentout, Marin Biliškov, Zofia Pukało, Aanchal Mishra, Catherine Chapuis, Ana-Andreea Arteni, Axelle Lateur, Stéphane Goffinont, Virginie Gaudon, Ibtissam Talhaoui, Ignacio Casuso, Martine Beaufour, Norbert Garnier, Franck Artzner, Martine Cadene, Sébastien Huet, Bertrand Castaing & Marcin Józef  Suskiewicz
Molecular Cell 2024
https://doi.org/10.1016/j.molcel.2024.05.029

Des agents doubles pour observer le vivant par imagerie non invasive

Les chercheurs de l'équipe "Composés luminescents de lanthanides, spectroscopie et bioimagerie optique" ont conçu la première sonde moléculaire qui permet d’imager le vivant à la fois en luminescence dans le proche infrarouge (NIR) et par la détection de signaux photoacoustiques (PA). Ces deux techniques d’imagerie complémentaires permettent de suivre avec précision des événements biologiques en temps réel et de manière non invasive.

En savoir plus

Ces résultats, publiés dans le Journal of the American Chemical Society, ouvrent de nombreuses perspectives de diagnostic et de compréhension du vivant.

A Dual-Mode Near-Infrared Optical and Photoacoustic Imaging Agent Based on a Low Energy Absorbing Ytterbium Complex
Anton Kovalenko, Svetlana V. Eliseeva, Guillaume Collet, Saïda El Abdellaoui, Sharuja Natkunarajah, Stéphanie Lerondel, Laure Guénée, Céline Besnard & Stéphane Petoud
JACS 2024
https://doi.org/10.1021/jacs.4c03406

Cancer du sein : vers un diagnostic précoce par imagerie

Imager in vivo des tumeurs métastatiques du cancer du sein à des stades très précoces est en passe de devenir possible. Une équipe de chimistes et biologistes du Centre de biophysique moléculaire (CNRS) a en effet mis au point une nouvelle sonde d’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui présente une affinité sélective pour un biomarqueur émergent du cancer métastatique du sein : la Nétrine-1.

En savoir plus sur le site de Cnrs Chimie.

L'article est signalé dans News.dayFR

Référence
Peptide-Conjugated MRI Probe Targeted to Netrin-1, a Novel Metastatic Breast Cancer Biomarker
Clémentine Moreau, Tea Lukačević, Agnès Pallier, Julien Sobilo, Samia Aci-Sèche, Norbert Garnier, Sandra Même, Éva Tóth & Sara Lacerda
Bioconjugate Chemistry 2024
https://doi.org/10.1021/acs.bioconjchem.3c00558

Observer in vivo le travail des enzymes grâce à des sondes moléculaires à base de terres rares

Des scientifiques du CNRS, au Centre de biophysique moléculaire (CBM) d’Orléans et à l'Institut de chimie des substances naturelles (CNRS/Université Paris-Saclay), ont conçu des sondes luminescentes. Elles sont à base de complexes de lanthanides (Ln), une série de métaux qui fait partie des terres rares et dont les ions trivalents Ln3+ sont luminescents. La particularité de ces sondes est que l’activité de certaines enzymes peut en modifier la luminescence dans le proche infra-rouge ainsi que le signal observé à l’IRM. Ces sondes permettent de suivre l’activité catalytique d’une enzyme avec une molécule unique au moyen de plusieurs techniques d’imagerie complémentaires : l’IRM et l’optique proche-infrarouge. Essentielle pour une détection non-ambiguë d’un phénomène biologique, cette double imagerie avec une seule molécule évite les biais dus à l’utilisation d’agents d’imagerie chimiquement différents pour chaque technique d’imagerie.

Cette étude, parue dans la revue Angewandte Chemie International Edition, ouvre la voie vers de nouvelles stratégies de diagnostic non invasif.

Ces travaux ont été signalés sur le site de Cnrs Chimie

Référence de l'article
Lanthanide-Based Probes for Imaging Detection of Enzyme Activities by NIR Luminescence, T1- and ParaCEST MRI
Rémy Jouclas, Sophie Laine, Svetlana V. Eliseeva, Jérémie Mandel, Frédéric Szeremeta, Pascal Retailleau, Jiefang He, Jean-Francois Gallard, Agnès Pallier, Célia S. Bonnet, Stéphane Petoud, Philippe Durand & Éva Tóth
Angew. Chem. Int. Ed. 2024
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.202317728