Une nouvelle approche de criblage versatile pour étudier et exploiter les enzymes à activité helicase

Les hélicases sont des « moteurs moléculaires » ubiquitaires qui remodèlent les structures d’acides nucléiques (AN) et/ou les complexes AN-protéines. Malgré le rôle clé des hélicases dans le métabolisme cellulaire et certaines maladies, leurs répertoires de substrats et les déterminants moléculaires de leur spécialisation fonctionnelle sont souvent inconnus. Le groupe « remodelage de l’ARN » du CBM a développé une nouvelle approche de criblage enzymatique, Helicase-SELEX, pour étudier ces éléments clés de manière globale, à partir de très grandes banques de séquences d’AN naturelles ou synthétiques. En utilisant l'hélicase bactérienne Rho comme prototype, les chercheurs ont ainsi découvert ~3300 séquences de substrats pour Rho chez Escherichia coli, établissant ainsi la première carte détaillée de sites Rut (Rho utilization) à l'échelle du génome. Ils ont également cartographié les sites Rut sensibles à la présence de NusG, un cofacteur de Rho, démontrant ainsi l’intérêt d’Hélicase-SELEX pour évaluer les déterminants de spécificité hélicase de manière globale. Enfin, ils ont utilisé Helicase-SELEX comme approche d’évolution moléculaire dirigée pour générer des séquences Rut synthétiques qui fonctionnent comme des « riboswitches » capables d’induire l’activité de Rho in vitro et in vivo uniquement en présence d'un cofacteur exogène (sérotonine). Ces données démontrent l’utilité d’Helicase-SELEX pour caractériser ou exploiter les hélicases à des fins fondamentales ou biotechnologiques.

L'Institut de Chimie du CNRS a signalé cette nouvelle approche originale de criblage sur son site

Référence

Delaleau M., Eveno E., Simon I., Schwartz A & Boudvillain M.
A scalable framework for the discovery of functional helicase substrates and helicase-driven regulatory switches
PNAS 2022

https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2209608119

Comparaison in cellulo et in vivo de 3 lipides auxilliares pour la délivrance d’ARNm sous forme de LNPs

Les LNPs sont les systèmes de délivrance d’ARNm les plus avancés. Ils comprennent un lipide ionizable, un conjugué lipide-PEG et des lipides auxiliaires.

En utilisant un lipide ionizable commercial (D-Lin-MC3) des chercheurs du CBM ont comparé trois lipides auxiliaires (DOPE, DSPC et beta-sitosterol). Le choix du lipide n’a pas eu d’effet sur la transfection de cellules immortalisées mais a dicté leur efficacité sur des cellules dendritiques et in vivo.

Les scientifiques ont montré que les LNPs avec beta-sitosterol et DOPE sont les plus efficaces pour la transfection de cellules dendritiques et l’expression de l’ARNm in vivo.

Références de l'article paru dans Nanomaterials :
Ayoub Medjmedj, Albert Ngalle-Loth, Rudy Clemnçon, Josef Hamacek, Chantal Pichon and Federico Perche
In Cellulo and In Vivo Comparison of Cholesterol, Beta-Sitosterol and Dioleylphosphatidylethanolamine for Lipid Nanoparticle Formulation of mRNA
Nanomaterials 2022, 12(14), 2446; https://doi.org/10.3390/nano12142446

Un biocapteur, basé sur la levure Saccharomyces cerevisiae, capable de détecter la présence du cuivre dans l’environnement

Le cuivre est un micronutriment essentiel à la vie, sa carence peut engendrer des problèmes neurologiques et sanguins. Il est très utilisé dans l’industrie, en particulier dans la fabrication des batteries des voitures électriques, mais aussi en tant qu’engrais ou fongicide. Cependant, il est toxique à des concentrations élevées et constitue un polluant émergent critique. Son suivi dans les eaux constitue donc un enjeu sociétal et environnemental majeur.

Actuellement, les méthodes analytiques de détection du cuivre reposent sur des technologies pointues nécessitant un appareillage coûteux et une expertise expérimentale. De plus, ces méthodes quantifient la quantité totale de cuivre présent dans un échantillon mais pas la quantité de cuivre assimilable par les organismes.

Les chercheurs du groupe thématique "Signalisation cellulaire et neurofibromatose" viennent de développer un nouveau système de détection du cuivre extrêmement sensible et facile à mettre en œuvre. Ce système est un biocapteur basé sur la cellule eucaryote qu’est la levure Saccharomyces cerevisiae. Le biocapteur est ratiométrique : d’une part il exprime de façon constitutive une protéine fluorescente, et d’autre part il exprime une autre protéine fluorescente dont l’intensité est directement corrélée à la concentration en cuivre biodisponible. En effet, cette protéine fluorescente est sous contrôle du promoteur CUP1 sensible au cuivre et bien caractérisé chez Saccharomyces cerevisiae.

Par modification génétique, les chercheurs ont créé différents variants optimisant la sensibilité de ce biocapteur. Ils peuvent détecter le cuivre biodisponible à une concentration limite de 10 nM, dans une gamme linéaire de 10-3 à 10-8 M, surpassant ainsi tous les biocapteurs actuellement connus. Le biocapteur a été validé sur des échantillons « réels », les concentrations détectées sont tout à fait en accord avec celles annoncées par les fabricants.

Référence de l'article :
Bojan Zunar, Christine Mosrin, Hélène Bénédetti, Béatrice Vallée
Re-engineering of CUP1 promoter and Cup2/Ace1 transactivator to convert Saccharomyces cerevisiae into a whole-cell eukaryotic biosensor capable of detecting 10 nM of bioavailable copper
Biosensors and Bioelectronics 214 (2022) 114502

Cet article est signalé par l'Institut de chimie du CNRS sur sont site internet et dans sa lettre " En direct des labos ".

La Serodolin, une nouvelle molécule identifiée pour le traitement de la douleur

Des chercheurs du Centre de biophysique moléculaire, en collaboration avec le laboratoire de Physiologie de la reproduction et des comportements (CNRS/INRAE/Université de Tours/IFCE), l’Institut de chimie organique et analytique (CNRS/Université d’Orléans) et le laboratoire d’Immunologie et neurogénétique expérimentales et moléculaires (CNRS/Université d’Orléans) et deux laboratoires à l’international (le Maj Institute of Pharmacology, Krakow, en Pologne et le Graduate School of pharmaceutical Sciences, Tohoku University, au Japon), ont décortiqué le mécanisme d’action de ligands du récepteur 5-HT7 de la sérotonine.

En savoir plus sur le site de l'Institut de Chimie du CNRS

Référence

Serodolin, a β-arrestin–biased ligand of 5-HT7 receptor, attenuates pain-related behaviors

Chayma El Khamlichi, Flora Reverchon, Nadège Hervouet-Coste, Elodie Robin, Nicolas Chopin, Emmanuel Deau, Fahima Madouri, Cyril Guimpied, Cyril Colas, Arnaud Menuet, Asuka Inoue, Andrzej J. Bojarski, Gérald Guillaumet, Franck Suzenet, Eric Reiter and Séverine Morisset-Lopez, PNAS, 20 mai 2022.

https://doi.org/10.1073/pnas.2118847119

 

 

Un mécanisme de résistance antibiotique identifié

Le facteur bactérien Rho est un moteur moléculaire qui induit la terminaison de la transcription à l'échelle du génome. Rho est essentiel chez de nombreuses espèces, y compris chez Mycobacterium tuberculosis où l'inactivation du gène rho entraîne une mort rapide. Néanmoins, le facteur Rho de M. tuberculosis [MtbRho] présente des idiosyncrasies dont une résistance à l’antibiotique bicyclomycine [BCM], qui restent inexpliquées. Pour identifier l’origine moléculaire de ces spécificités, nous avons résolu la structure de MtbRho par cryo-EM à 3.3 Å. Cette structure atomique révèle notamment une substitution leucine→méthionine qui crée un encombrement stérique dans les sites de liaison de la BCM, près des sites ATPase, conférant ainsi une résistance à la BCM au détriment de l'efficacité de moteur moléculaire. Notre travail contribue à expliquer les propriétés inhabituelles de MtbRho et fournit un cadre précis pour le développement de futurs antibiotiques.

Lien vers l'article

J.-M. Bonmatin co-auteur d’un article faisant le lien entre insecticides néonicotinoïdes et les maladies rénales chroniques d’étiologie indéterminée (CKDu)

Les maladies rénales chroniques (Chronic Kidney Diseases : CKD) sont un fléau qui fait de plus en plus de victimes dans le monde et en particulier dans les pays moins développés où l’agriculture est intensive. Plusieurs facteurs de risques ont été identifiés, mais il subsiste une étiologie indéterminée (CKDu) pouvant être liée aux pesticides (Floris et al., 2021).

J.-M. Bonmatin a participé à une étude au Sri Lanka et publiée dans Scientific Reports fin 2021 (Taira et al., 2021). Même si la dimension de l’étude reste statistiquement modeste, les auteurs (membres de la Task Force on Systemic Pesticides) ont montré que les concentrations de plusieurs insecticides néonicotinoïdes mesurées dans les urines, étaient en lien avec les biomarqueurs Cystatin-C et L-FABP ainsi qu’avec les symptômes neurophysiologiques observés. Les auteurs concluent que les concentrations urinaires de ces néonicotinoïdes seraient un facteur de risque des troubles tubulaires du rein. C’est un élément de plus qui s’ajoute à nos publications précédentes (ex : Ichikawa et al., 2019 et Bonmatin et al., 2021) sur les effets de ces insecticides sur la santé humaine.

Les néonicotinoïdes dits « tueurs d’abeilles » et qui sont à la source d’impacts majeurs sur la biodiversité (invertébrés et vertébrés) restent encore très largement utilisés pour la culture du riz en Asie (Prihandiani et al., 2021).  Ces insecticides sont désormais interdits en France depuis 2018 (sauf pour la betterave sucrière). Ils sont en passe d’être interdits au Sri Lanka.

Référence :  Taira K, Kawakami T, Weragoda SK, Herath HMAS, Ikenaka Y, Fujioka K, Hemachandra M, Pallewatta N, Aoyama Y, Ishizuka M, Bonmatin JM & Komori M (2021) Scientific Reports, 11, 22484.

https://doi-org.inc.bib.cnrs.fr/10.1038/s41598-021-01732-2




Les premières molécules qui préfèrent le manganèse(II) au zinc(II)

Des complexes de manganèse(II) rencontrent de plus en plus d’intérêt dans les applications biomédicales, surtout en imagerie en tant qu’agents de contraste plus biocompatibles que ceux actuellement utilisés. Néanmoins, le manque de ligands capables de former des complexes très stables et sélectifs vis-à-vis du zinc(II), le compétiteur biologique principal, constitue un verrou important. Dans un article dans l’Angewandte Chemie Int. Ed., le groupe “Complexes métalliques et IRM”, en collaboration avec l’équipe de Peter Comba de l’Université de Heidelberg, a identifié les premières molécules cage qui satisfont ces critères. Ces bispidines possèdent une cavité de coordination très rigide et d’une taille parfaitement adaptée au MnII, permettant ainsi d’obtenir des stabilités record. En revanche, le ZnII forme des complexes peu stables car sa taille est trop petite et ne permet pas d’accommoder toutes les fonctions coordonnantes du ligand. Des calculs théoriques combinés avec des données expérimentales ont démontré une sélectivité inégalée, avec une stabilité jusqu’à dix ordres de grandeur supérieure pour les complexes de manganèse que pour ceux du zinc(II).

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/anie.202115580