Un biocapteur, basé sur la levure Saccharomyces cerevisiae, capable de détecter la présence du cuivre dans l’environnement

Le cuivre est un micronutriment essentiel à la vie, sa carence peut engendrer des problèmes neurologiques et sanguins. Il est très utilisé dans l’industrie, en particulier dans la fabrication des batteries des voitures électriques, mais aussi en tant qu’engrais ou fongicide. Cependant, il est toxique à des concentrations élevées et constitue un polluant émergent critique. Son suivi dans les eaux constitue donc un enjeu sociétal et environnemental majeur.

Actuellement, les méthodes analytiques de détection du cuivre reposent sur des technologies pointues nécessitant un appareillage coûteux et une expertise expérimentale. De plus, ces méthodes quantifient la quantité totale de cuivre présent dans un échantillon mais pas la quantité de cuivre assimilable par les organismes.

Les chercheurs du groupe thématique "Signalisation cellulaire et neurofibromatose" viennent de développer un nouveau système de détection du cuivre extrêmement sensible et facile à mettre en œuvre. Ce système est un biocapteur basé sur la cellule eucaryote qu’est la levure Saccharomyces cerevisiae. Le biocapteur est ratiométrique : d’une part il exprime de façon constitutive une protéine fluorescente, et d’autre part il exprime une autre protéine fluorescente dont l’intensité est directement corrélée à la concentration en cuivre biodisponible. En effet, cette protéine fluorescente est sous contrôle du promoteur CUP1 sensible au cuivre et bien caractérisé chez Saccharomyces cerevisiae.

Par modification génétique, les chercheurs ont créé différents variants optimisant la sensibilité de ce biocapteur. Ils peuvent détecter le cuivre biodisponible à une concentration limite de 10 nM, dans une gamme linéaire de 10-3 à 10-8 M, surpassant ainsi tous les biocapteurs actuellement connus. Le biocapteur a été validé sur des échantillons « réels », les concentrations détectées sont tout à fait en accord avec celles annoncées par les fabricants.

Référence de l'article :
Bojan Zunar, Christine Mosrin, Hélène Bénédetti, Béatrice Vallée
Re-engineering of CUP1 promoter and Cup2/Ace1 transactivator to convert Saccharomyces cerevisiae into a whole-cell eukaryotic biosensor capable of detecting 10 nM of bioavailable copper
Biosensors and Bioelectronics 214 (2022) 114502

Cet article est signalé par l'Institut de chimie du CNRS sur sont site internet et dans sa lettre " En direct des labos ".

La Serodolin, une nouvelle molécule identifiée pour le traitement de la douleur

Des chercheurs du Centre de biophysique moléculaire, en collaboration avec le laboratoire de Physiologie de la reproduction et des comportements (CNRS/INRAE/Université de Tours/IFCE), l’Institut de chimie organique et analytique (CNRS/Université d’Orléans) et le laboratoire d’Immunologie et neurogénétique expérimentales et moléculaires (CNRS/Université d’Orléans) et deux laboratoires à l’international (le Maj Institute of Pharmacology, Krakow, en Pologne et le Graduate School of pharmaceutical Sciences, Tohoku University, au Japon), ont décortiqué le mécanisme d’action de ligands du récepteur 5-HT7 de la sérotonine.

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Référence

Serodolin, a β-arrestin–biased ligand of 5-HT7 receptor, attenuates pain-related behaviors

Chayma El Khamlichi, Flora Reverchon, Nadège Hervouet-Coste, Elodie Robin, Nicolas Chopin, Emmanuel Deau, Fahima Madouri, Cyril Guimpied, Cyril Colas, Arnaud Menuet, Asuka Inoue, Andrzej J. Bojarski, Gérald Guillaumet, Franck Suzenet, Eric Reiter and Séverine Morisset-Lopez, PNAS, 20 mai 2022.

https://doi.org/10.1073/pnas.2118847119

 

 

Un mécanisme de résistance antibiotique identifié

Le facteur bactérien Rho est un moteur moléculaire qui induit la terminaison de la transcription à l'échelle du génome. Rho est essentiel chez de nombreuses espèces, y compris chez Mycobacterium tuberculosis où l'inactivation du gène rho entraîne une mort rapide. Néanmoins, le facteur Rho de M. tuberculosis [MtbRho] présente des idiosyncrasies dont une résistance à l’antibiotique bicyclomycine [BCM], qui restent inexpliquées. Pour identifier l’origine moléculaire de ces spécificités, nous avons résolu la structure de MtbRho par cryo-EM à 3.3 Å. Cette structure atomique révèle notamment une substitution leucine→méthionine qui crée un encombrement stérique dans les sites de liaison de la BCM, près des sites ATPase, conférant ainsi une résistance à la BCM au détriment de l'efficacité de moteur moléculaire. Notre travail contribue à expliquer les propriétés inhabituelles de MtbRho et fournit un cadre précis pour le développement de futurs antibiotiques.

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J.-M. Bonmatin co-auteur d’un article faisant le lien entre insecticides néonicotinoïdes et les maladies rénales chroniques d’étiologie indéterminée (CKDu)

Les maladies rénales chroniques (Chronic Kidney Diseases : CKD) sont un fléau qui fait de plus en plus de victimes dans le monde et en particulier dans les pays moins développés où l’agriculture est intensive. Plusieurs facteurs de risques ont été identifiés, mais il subsiste une étiologie indéterminée (CKDu) pouvant être liée aux pesticides (Floris et al., 2021).

J.-M. Bonmatin a participé à une étude au Sri Lanka et publiée dans Scientific Reports fin 2021 (Taira et al., 2021). Même si la dimension de l’étude reste statistiquement modeste, les auteurs (membres de la Task Force on Systemic Pesticides) ont montré que les concentrations de plusieurs insecticides néonicotinoïdes mesurées dans les urines, étaient en lien avec les biomarqueurs Cystatin-C et L-FABP ainsi qu’avec les symptômes neurophysiologiques observés. Les auteurs concluent que les concentrations urinaires de ces néonicotinoïdes seraient un facteur de risque des troubles tubulaires du rein. C’est un élément de plus qui s’ajoute à nos publications précédentes (ex : Ichikawa et al., 2019 et Bonmatin et al., 2021) sur les effets de ces insecticides sur la santé humaine.

Les néonicotinoïdes dits « tueurs d’abeilles » et qui sont à la source d’impacts majeurs sur la biodiversité (invertébrés et vertébrés) restent encore très largement utilisés pour la culture du riz en Asie (Prihandiani et al., 2021).  Ces insecticides sont désormais interdits en France depuis 2018 (sauf pour la betterave sucrière). Ils sont en passe d’être interdits au Sri Lanka.

Référence :  Taira K, Kawakami T, Weragoda SK, Herath HMAS, Ikenaka Y, Fujioka K, Hemachandra M, Pallewatta N, Aoyama Y, Ishizuka M, Bonmatin JM & Komori M (2021) Scientific Reports, 11, 22484.

https://doi-org.inc.bib.cnrs.fr/10.1038/s41598-021-01732-2




Les premières molécules qui préfèrent le manganèse(II) au zinc(II)

Des complexes de manganèse(II) rencontrent de plus en plus d’intérêt dans les applications biomédicales, surtout en imagerie en tant qu’agents de contraste plus biocompatibles que ceux actuellement utilisés. Néanmoins, le manque de ligands capables de former des complexes très stables et sélectifs vis-à-vis du zinc(II), le compétiteur biologique principal, constitue un verrou important. Dans un article dans l’Angewandte Chemie Int. Ed., le groupe “Complexes métalliques et IRM”, en collaboration avec l’équipe de Peter Comba de l’Université de Heidelberg, a identifié les premières molécules cage qui satisfont ces critères. Ces bispidines possèdent une cavité de coordination très rigide et d’une taille parfaitement adaptée au MnII, permettant ainsi d’obtenir des stabilités record. En revanche, le ZnII forme des complexes peu stables car sa taille est trop petite et ne permet pas d’accommoder toutes les fonctions coordonnantes du ligand. Des calculs théoriques combinés avec des données expérimentales ont démontré une sélectivité inégalée, avec une stabilité jusqu’à dix ordres de grandeur supérieure pour les complexes de manganèse que pour ceux du zinc(II).

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/anie.202115580

Une nouvelle luminescence pour suivre en direct la libération de médicaments

Les liposomes sont des nanocapsules très utilisées pour transporter et libérer des agents thérapeutiques ou diagnostiques, ou les deux, in vivo. L’agent thérapeutique ne devient actif que lors de sa libération, évitant d’endommager les tissus sains. Être capable de suivre en direct cette libération est crucial pour comprendre et contrôler son action.

Les approches d’imagerie optique précédemment proposées utilisent exclusivement des fluorophores organiques ou des nanoparticules inorganiques, co-encapsulés dans le liposome avec le principe actif.

La luminescence des complexes de lanthanides est une alternative qui offre de nombreux avantages, notamment la capacité d’émission dans le domaine proche-infrarouge (NIR), facilitant ainsi la détection dans des systèmes biologiques.

Les équipes du CBM ont mis au point un assemblage innovant : un liposome constitué d’un complexe d’Ytterbium qui contient la molécule anticancéreuse doxorubicine. La luminescence NIR du complexe de lanthanide est observable uniquement en présence du médicament dans le liposome. Ce signal de luminescence NIR devient un outil pour le suivi direct et en temps réel de l’intégrité du liposome et, ainsi, de la libération du médicament.

Cette luminescence provenant du lanthanide a pu être détectée in vivo dans une souris porteuse d’une tumeur mammaire.

Références de l'article :

Doxorubicin-sensitized Luminescence of NIR-emitting Ytterbium Liposomes: Towards Direct Monitoring of Drug Release, Sara Lacerda, Anthony Delalande, Svetlana V. Eliseeva, Agnès Pallier, Célia S. Bonnet, Frédéric Szeremeta, Sandra Même, Chantal Pichon, Stéphane Petoud, Eva Toth, Angewandte Chemie Int. Ed. 13 août 2021  https://doi.org/10.1002/anie.202109408

 

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Nouvelle avancée méthodologique en synthèse totale de protéines

Depuis la synthèse du premier dimère d’acide aminé à la fin du 19ème siècle, la synthèse de protéines a constitué un objectif fascinant pour des générations de chimistes. Inventée dans les années 1960, la synthèse peptidique sur support solide est depuis utilisée en routine pour des peptides constitués de quelques dizaines d’acides aminés. La découverte des réactions de « ligation chimique » dans les années 1990 a rendu possible la synthèse de protéines de plus de cents acides aminés : des réactions chimiques extrêmement sélectives sont ici mises en œuvre pour lier des segments peptidiques –eux-mêmes synthétisés par SPPS– et dont les chaines latérales ne sont pas protégées par les groupements protecteurs habituellement utilisés en synthèse organique. Grace à ces avancées méthodologiques, l’approche « chimique » de la synthèse de protéines complète aujourd’hui avantageusement les méthodes biotechnologiques et permet de générer des protéines natives ou modifiées, outils sur-mesure pour décrypter le vivant à une résolution atomique.

Toutefois, la synthèse de protéines de plusieurs centaines d’acides aminés requiert de nombreuses ligations chimiques successives, et donc des étapes particulièrement délicates de purification des intermédiaires réactionnels. Une solution pour s’affranchir de ces étapes est d’assembler les protéines par ligation sur un support solide. Bien que très attrayante, cette approche a été limitée à des preuves de concept : l'une des raisons principales est la difficulté de greffer sur un support solide adapté le premier segment peptidique via un bras (linker) qui doit pouvoir être coupé facilement une fois les ligations effectuées. En effet, les conditions requises pour la coupure des bras développés jusqu’ici sont incompatibles avec de nombreuses protéines.

Pour pallier ce problème les scientifiques du CBM, en collaboration avec des collègues de l’IC2MP de Poitiers, ont exploré des bras programmés pour être coupés dans des conditions très douce par une réaction enzymatique. De façon remarquable, La taille de l'enzyme est directement corrélée à la vitesse de coupure du bras, et donc à l’efficacité de la libération de la protéine synthétisée. La méthode a été appliqué à la synthèse d'un peptide de 160 acides aminés, qui est à ce jour la plus longue séquence jamais synthétisée par ligations chimiques sur support solide.

Référence de l’article : S. A. Abboud, M. Amoura, J.-B. Madinier, B. Renoux, S. Papot, V. Piller, V. Aucagne. Enzyme-cleavable linkers for protein chemical synthesis through solid-phase ligations, Angew. Chem. Int. Ed., 2021, accepted article. https://doi.org/10.1002/anie.202103768

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